Ryoko Sekiguchi a souvent écrit sur les cinq sens : l¹audition dans La Voix sombre, le goût dans plusieurs ouvrages, comme Nagori ou 961 heures à Beyrouth (et 321 plats qui les accompagnent), comme sur l¹éphémère et l¹impalpable. Avec ce nouveau livre, elle fait de l¹odeur une héroi[u0308]ne de roman. Si « l¹odorat, constate Ryoko Sekiguchi, n¹a que peu de place en Occident dans les productions de l¹esprit, et rares sont les œuvres, littéraires ou philosophiques, qui y sont consacrées », l¹odeur est pourtant l¹extension de la présence, elle précède et poursuit une apparition. Elle nous offre surtout une lecture plus riche et romanesque du monde. Pour Ryoko Sekiguchi, les odeurs ont la capacité de devenir des personnages, capables de provoquer un drame, délivrer un message, révéler des sentiments et raconter notre passé ou notre avenir. L¹Appel des odeurs est un roman composé de plusieurs récits, un peu à la façon des Mille et Une Nuits. La narratrice tient un « carnet d¹odeurs », au travers d¹histoires ou de contes oniriques. On ignore si ces récits ont été inventés par la narratrice, ou si elle les a « vécus » en voyageant dans l¹espace et le temps, à la manière de l¹Orlando de Virginia Woolf. Récits ancrés dans des lieux différents et des époques variées : Grenade en Espagne, Spoleto en Italie, dans un opéra à Ferrare au XVIIIe siècle, au Palais-Royal à Paris sur trois siècles consécutifs, en Corse dans l¹entre-deux-guerres, au Japon, à Taipei, dans une imprimerie de Téhéran au XIXe siècle, à New York et Los Angeles[xe2][x80][xa6] Chaque odeur a un corps et un langage, une présence susceptible de bouleverser notre rapport au temps et à l¹espace. Puanteurs, miasmes, ou parfums si délicats qu¹il faut « prêter le nez » pour les remarquer. La narratrice découvre aussi l¹expérience douloureuse de la perte de l¹odorat, un exil du monde dont souffrent les personnes atteintes d¹anosmie.